À l’approche des JO de Paris 2024, les contraintes des transporteurs sont nombreuses, notamment en raison des voies réservées et des zones de sécurité où l’accès est interdit aux camions. Ces mesures posent des défis considérables pour la logistique d’approvisionnement de la ville. À quatre mois de l’événement, un point sur la situation révèle la nécessité pour les transporteurs de s’adapter afin d’assurer la continuité des livraisons dans la capitale.
Du 26 juillet au 11 août 2024, suivis du 28 août au 8 septembre, Paris organisera les Jeux olympiques et paralympiques. Au cours de ces périodes, la ville est prévue pour accueillir environ 15 millions de visiteurs, entraînant une hausse de la demande d’approvisionnement de 1,7 à 2,2 fois plus élevée que durant un été ordinaire. Cela pourrait sembler être une opportunité en or pour les transporteurs de l’Île-de-France, particulièrement ceux axés sur la livraison de proximité, envisageant une augmentation notable de leur activité.
Cependant, la réalité est teintée d’anxiété à cause de multiples contraintes susceptibles de perturber profondément les schémas de transport et les routines de livraison habituelles. Pour faciliter les mouvements des athlètes et de tout le personnel impliqué dans l’événement — incluant 10 500 athlètes, approximativement 40 000 volontaires et officiels, 20 000 agents de sécurité et 15 000 militaires —, 185 kilomètres de routes leur seront exclusivement dédiés.
La nécessité de s’inscrire sur une plateforme en ligne
Certains tronçons du périphérique de Paris et des autoroutes A1, A4, A12, et A13 seront interdits à la circulation des camions pendant des plages horaires spécifiques ou « heures d’activation », qui seront précisées par la préfecture de police au cours du printemps. Par ailleurs, 14 zones de sécurité établies autour des lieux de compétition et du village olympique ne seront temporairement pas accessibles aux véhicules motorisés sans autorisation préalable, ce dès 2 heures et demie avant le début des compétitions et jusqu’à une heure après leur fin.
« Si ces dérogations entrainent des embouteillages et empêchent la circulation, nous refermerons les vannes. »
Il est important de différencier les zones bleues, où les autorités responsables des contrôles demanderont aux transporteurs de fournir un justificatif (tel qu’un bon de livraison, une commande, une attestation de l’employeur, la carte grise du véhicule et une pièce d’identité), des zones rouges. Dans ces dernières, certaines livraisons spécifiquement autorisées exigeront une inscription préalable sur une plateforme en ligne.
Le 1er mars, le préfet de police de Paris Laurent Nunez a annoncé que cette plateforme devrait être opérationnelle en avril. « Elle permettra aux demandeurs de dérogations d’obtenir une autorisation de circuler dans un périmètre rouge à la condition de fournir les justificatifs nécessaires », a-t-il déclaré, en précisant : « Si ces dérogations entrainent des embouteillages et empêchent la circulation, nous refermerons les vannes. »
Les plans de transport bouleversés
En résumé, les méthodes de livraison traditionnelles devront être ajustées dans ces zones de sécurité, en raison de restrictions d’accès aux zones de stationnement et même directement aux clients, incluant les bars, hôtels, boutiques de proximité, marchés, etc. Jérôme Douy, le directeur adjoint pour le développement durable et la logistique urbaine à l’Union TLF, estime que 10 à 15% des 61 000 commerces de Paris pourraient être affectés par ces mesures de sécurité.
De manière plus large, ces contraintes vont contraindre les entreprises de transport à repenser leurs itinéraires et stratégies de livraison, que ce soit en modifiant les trajets habituels ou en considérant, par exemple, le transfert de cargaisons de véhicules de grande taille vers des vélos cargo.
« Certains transporteurs devront livrer de nuit, ce qui induit de gérer les contraintes de travail nocturne des conducteurs et les nuisances possibles, notamment sonores. La livraison de matières dangereuses, par exemple de produits pour les hôpitaux ou de bonbonnes de gaz utilisés dans la restauration, va poser problème aux transporteurs qui auront l’interdiction de pénétrer les périmètres de sécurité », explique Jérôme Douy.
“Les transporteurs vont donc mettre plus de temps à livrer, vont devoir allonger les kilomètres parcourus et le temps de travail.”
De son côté, la fédération CGF (grossistes) s’attend à une hausse des tarifs des transporteurs liée aux surcouts organisationnels que vont imposer les JO. « Il va falloir former les livreurs, peut-être embaucher par exemple des ripeurs pour acheminer les marchandises à l’aide de transpalettes sur les derniers kilomètres interdits aux véhicules lourds, éventuellement contracter avec des spécialistes de la livraison en vélo-cargo, réorganiser les plans de transport.
Les voies réservées risquent d’engendrer des détours ou des itinéraires bis. Les transporteurs vont donc mettre plus de temps à livrer, vont devoir allonger les kilomètres parcourus et le temps de travail. Autant d’éléments qui vont impacter les couts », analyse Christian Rose, directeur environnement, transport et logistique de la CGF.
Exigence d’informations préalables pour planifier l’organisation
Les différentes fédérations et associations de transporteurs et logisticiens appellent à une communication anticipée pour permettre aux professionnels de s’organiser à l’avance pour la période des Jeux Olympiques. Ils souhaitent pouvoir avertir leurs clients, réajuster les plannings de livraison ou augmenter les stocks avant l’événement, si faisable. Cependant, elles expriment leur frustration face à un apport d’informations fragmenté qui, selon elles, sera dispensé de manière sporadique jusqu’à l’été.
D’après une enquête menée en janvier par l’Union TLF, 16% des transporteurs envisagent la possibilité de suspendre leurs activités durant les Jeux, basés sur leur compréhension actuelle des défis logistiques à venir. De plus, environ 85% des transporteurs déclarent vouloir être informés dès à présent ou considèrent qu’ils ne sont pas ou insuffisamment renseignés.
“53 % seraient dans une optique de réaménager les horaires de livraisons.”
« L’enquête a permis d’identifier trois grandes mesures envisagées par les entreprises. 54 % des répondants jugent nécessaire de travailler en amont avec les clients sur la priorisation des livraisons. Ensuite, 37 % des transporteurs envisageraient de consulter leurs clients afin de reporter les commandes et les livraisons (par exemple à une date intermédiaire entre les Jeux). Enfin, 53 % seraient dans une optique de réaménager les horaires de livraisons », explique Jérôme Douy.
Jeux Olympiques : En attente de solutions numériques
Au sein de la Métropole du Grand Paris, la préfecture de police et la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mobilité (DGITM) se mobilisent pour offrir des ressources utiles aux acteurs du transport face aux restrictions de circulation. Ils travaillent à l’amélioration de DiaLog, la base de données nationale qui compile les régulations de circulation pour les véhicules lourds, avec l’objectif de l’intégrer dans les logiciels d’optimisation de parcours et de gestion de tournées.
De son côté, l’éditeur PTV Logistics a développé et publié sur son site internet une application démo spéciale Jeux Olympiques. Cet outil incorpore les dernières interdictions de circulation annoncées par le gouvernement, offrant ainsi la possibilité de mesurer leur effet sur les plans de livraison. Parallèlement, le programme InTerLUD+ (pour Innovations Territoriales et Logistique Urbaine Durable Plus) travaille à l’élaboration d’une solution permettant aux transporteurs de réserver des espaces de livraison.
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